L’illusion démocratique: Du principe d’autorité (Proudhon) en cinq épisodes – 5ème et dernière partie –

Nous publions ici en cinq épisodes un texte essentiel de Pierre Joseph Proudhon et de la littérature anarchiste: « Du principe d’autorité ». Essai qui identifie les tenants du leurre démocratique et fait toucher du doigt les remèdes à ce fléau.

Le texte se divise en ces parties:

1– Le préjugé gouvernemental

2- Du pouvoir absolu à l’anarchie

3- Des lois et du système représentatif

4- Du suffrage universel et du gouvernement du peuple

5- Plus (la fin de) d’autorité

A lire et diffuser sans modération…

— Résistance 71 —

 

5ème et dernière partie


PLUS D’AUTORITÉ

L’idée capitale, décisive, de cette Révolution, n’est-elle pas, en effet : plus d’autorité, ni dans l’Église, ni dans l’État, ni dans la terre, ni dans l’argent ?

Or, plus d’autorité, cela veut dire ce qu’on n’a jamais vu, ce qu’on n’a jamais compris, accord de l’intérêt de chacun avec l’intérêt de tous, identité de la souveraineté collective et de la souveraineté individuelle.

Plus d’autorité ! c’est-à-dire dettes payées, servitudes abolies, hypothèques levées, fermages remboursés, dépenses du culte, de la Justice et de l’État supprimées ; crédit gratuit, échange égal, association libre, valeur réglée ; éducation, travail, propriété, domicile, bon marché, garantis ; plus d’antagonisme, plus de guerre, plus de centralisation, plus de gouvernements, plus de sacerdoces. N’est-ce pas la société sortie de sa sphère, marchant dans une position renversée, sens dessus dessous ?

Plus d’autorité ! c’est-à-dire encore le contrat libre à la place de la loi absolutiste ; la transaction volontaire au lieu de l’arbitrage de l’État; la justice équitable et réciproque, au lieu de la justice souveraine et distributive ; la morale rationnelle, au lieu de la morale révélée ; l’équilibre des forces substitué à l’équilibre des pouvoirs : l’unité économique à la place de la centralisation politique. Encore une fois, n’est-ce point là ce que j’oserai appeler une conversion complète, un tour sur soi-même, une révolution ?

Quelle distance sépare ces deux régimes, on peut en juger par la différence de leurs styles.

L’un des moments les plus solennels, dans l’évolution du principe d’autorité, est celui de la promulgation du Décalogue. La voix de l’ange commande au peuple, prosterné au pied du Sinaï :

Tu adoreras l’Éternel, lui dit-il, et rien que l’Éternel ;

Tu ne jugeras que par lui ;

Tu chômeras ses fêtes, et tu lui paieras la dîme ;

Tu honoreras ton père et ta mère ;

Tu ne tueras pas ;

Tu ne voleras point ;

Tu ne forniqueras pas ;

Tu ne commettras point de faux ;

Tu ne seras point envieux et calomniateur;

Car l’Éternel l’ordonne, et c’est l’Éternel qui t’a fait ce que tu es. L’Éternel seul est souverain, seul sage, seul digne ; l’Éternel punit et récompense, l’Éternel peut te rendre heureux et malheureux.

Toutes les législations ont adopté ce style, toutes, parlant à l’homme, emploient la formule souveraine. L’hébreu commande au futur, le latin à l’impératif, le grec à l’infinitif. Les modernes ne font pas autrement : (…) quelle que soit la loi, de quelque bouche qu’elle parte, elle est sacrée, dès lors qu’elle a été prononcée par cette trompette fatidique, qui chez nous est la majorité.

« Tu ne te rassembleras pas ;

« Tu n’imprimeras pas ;

« Tu ne liras pas ;

« Tu respecteras tes représentants et tes fonctionnaires, que le sort du scrutin ou le bon plaisir de l’État t’aura donnés ;

« Tu obéiras aux lois que leur sagesse t’aura faites ;

« Tu payeras fidèlement le budget ;

« Et tu aimeras le gouvernement, ton seigneur et ton dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence : parce que le gouvernement sait mieux que toi ce que tu es, ce que tu vaux, ce qui te convient, et qu’il a le pouvoir de châtier ceux qui désobéissent à ses commandements, comme de récompenser jusqu’à la quatrième génération ceux qui lui sont agréables. »

Ô personnalité humaine! se peut-il que pendant soixante siècles tu aies croupi dans cette abjection ! Tu te dis sainte et sacrée, et tu n’es que la prostituée, infatigable, gratuite, de tes valets, de tes moines et de tes soudards. Tu le sais, et tu le souffres ! Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science, ni la vertu.

Être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! Et dire qu’il y a parmi nous des démocrates qui prétendent que le gouvernement a du bon; des socialistes qui soutiennent, au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, cette ignominie; des prolétaires qui posent leur candidature à la présidence de la République ! Hypocrisie !… Avec la Révolution, c’est autre chose. La recherche des causes premières et des causes finales est éliminée de la science économique comme des sciences naturelles.

L’idée du progrès remplace, dans la philosophie, celle de l’absolu.

La Révolution succède à la révélation.

La raison, assistée de l’expérience, expose à l’homme les lois de la nature et de la société ; puis elle dit :

Ces lois sont celles de la nécessité même. Nul homme ne les a faites ; nul ne te les impose. Elles ont été peu à peu découvertes, et je n’existe que pour en rendre témoignage.

Si tu les observes, tu seras juste et bon, si tu les violes, tu seras injuste et méchant. Je ne te propose pas d’autre motif (…), tu es libre d’accepter ou de refuser.

Si tu refuses, tu fais partie de la société des sauvages. Sorti de la communion du genre humain, tu deviens suspect. Rien ne te protège. À la moindre insulte, le premier venu peut te frapper, sans encourir d’autre accusation que celle de sévices inutilement exercés contre une brute.

Si tu jures le pacte, au contraire, tu fais partie de la société des hommes libres. Tous les frères s’engagent avec toi, te promettent fidélité, amitié, secours, service, échange (…).

Voilà tout le contrat social.

3 Réponses vers “L’illusion démocratique: Du principe d’autorité (Proudhon) en cinq épisodes – 5ème et dernière partie –”

  1. livelyup Says:


    Peut-être n’êtes-vous pas censé ignoré que Joseph Proudhon était franc-maçon? De plus ce texte de 1853 commence à dater légèrement non?
    L’anarchisme n’est rien d’autre que la loi du plus fort, c’est pour çà qu’il n’a rien jamais rien donné parce que les gens en général cherche la paix et pas la guerre.
    Pour ce qui est de la franc-maçonnerie, lisez le bouquin de Ploncard d’Assac, afin de savoir à quoi vous en tenir, qui est tout sauf un mouvement pacifique oeuvrant pour le bien commun, au coeur du système aujourd’hui…
    Le propre du Diable n’est-il pas de faire croire qu’il n’existe pas?
    Voilà à quoi s’en tenir, d’autre part la maçonnerie sait très bien utiliser les esprits brillants pour s’en servir dans leur projet universel, plus connu sous le nom de Nouvel Ordre Mondial.

    Cordialement.

    • Ne mélangez pas tout et lisez les textes anarchistes (pas seulement Proudhon, il y en a bien d’autres…) afin d’en comprendre la teneur. Proudhon s’est même fait élire au parlement !.. pas longtemps, mais ce fut une dérive. Personne n’est parfait n’est-il pas ?
      Amalgamer anarchisme et franc-maçonnerie dénote votre manque d’information vraisemblablement pour des raisons idéologiques, quant à dire que l’anarchisme « ‘c’est la loi du plus fort », c’est la cerise sur le gâteau (où le gâteau sur la cerise c’est selon…) de votre incompréhension des tenants et aboutissements de l’idée.
      Ces textes ne « datent » pas contrairement à ce que vous pensez, leur message reste étonnamment d’actualité (à quelques variantes temporelles près) pour la simple et bonne raison que les problèmes fondamentaux de la société n’ont jamais été adressés et ne le seront jamais tant que nous resterons engoncés dans cet erstaz de démocratie qui n’a de démocratie que le nom et aucune de ses caractéristiques fondamentales dont la primordiale est l’Égalité, qui n’a JAMAIS existé dans l’Histoire, jamais ! Il est grand temps d’y remédier pour le salut de l’humanité.

      Est-ce que ceci date d’après vous ?
      « … Ainsi les jeux, les fêtes, les plaisirs, sont les appâts de la servitude et deviennent bientôt le prix de la liberté, les instruments de la tyrannie. »
      (Jean Paul Marat, 1774)
      C’est encore plus vieux que Proudhon, cela ne vieillit pas pourquoi ?.. Parce que c’est une adresse universelle tant que la société oligarchique demeure.

      Les idéologues et exécutants du Nouvel Ordre Mondial constituent un vaste échantillon de la fange sectaire judéo-chrétienne. Qu’il y ait des franc-maçons dans le lot est indéniable, mais ils ne sont pas plus responsables que les autres ordures se réclamant d’autres obédiences politiques et / ou religieuses.

      Cordialement à vous également.

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