Archive pour 7 novembre 2014

Reprise et pratique du pouvoir par et pour le peuple: Le municipalisme libertaire ~ 1ère partie ~

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, écologie & climat, crise mondiale, démocratie participative, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 7 novembre 2014 by Résistance 71

“L’État est une forme toute aussi ancienne que la commune, mais il y a cette différence: tandis que l’État représente dans l’histoire la négation de la liberté, l’absolutisme et l’artbitraire, la ruine de ses sujets, l’échafaud et la torture, c’est précisément dans l’affranchissement des communes contre l’État que nous retrouvons les plus belles pages de l’histoire…

Souvenons-nous de ces fédérations qui surgirent spontanément en Espagne et sauvèrent l’indépendance du pays lorsque l’état était ébranlé dans ses fondements par les armées conquérantes de Napoléo. Dès lors que l’État n’est plus à même d’imposer l’union forcée, l’union surgit d’elle-même, selon les besoins naturels. Renversez l’État et la société fédérée surgira de ses ruines, vraiment une, vraiment indivisible, libre et grandissant en solidarité par sa liberté même.”

~ Pierre Kropotkine (“La Commune”, 1882) ~

 

Le municipalisme libertaire, solution politique démocratique au cul-de-sac étatique qui nous opprime

 

Résistance 71

 

7 Novembre 2014

 

1ère partie

2ème partie

 

Nous vivons en ce début de XXIème siècle, la lente agonie historique des états-nation que nos oligarques, plus criminels qu’éclairés, veulent muter en dictature unique transnationale au gré d’une grille de contrôle drastique des populations qui déchaînera l’assouvissement totalitaire planétaire d’une clique de psychopathes eugénistes et suprémacistes.

S’il devient de plus en plus évident pour de plus en plus de monde que nous devons réagir avant qu’il ne soit trop tard et que le piège totalitaire ne se soit refermé sur nous, le plus grand nombre d’entre nous n’entrevoie pas encore la solution politico-sociale potentielle qui nous sauverait de ce marasme sanglant annoncé. Beaucoup d’entre nous voient et ressentent le besoin d’un changement de paradigme politique, mais le sentiment d’avoir épuisé toutes les “solutions” possibles en décourage plus d’un. Qu’avons-nous pas essayé au cours de l’Histoire ? La monarchie, l’empire, la monarchie constitutionnelle, la république en “démocratie” dite représentative (suffrage censitaire, suffrage universel), le fascisme, le communisme capitalisme d’état (marxisme) ? Rien ne fonctionne, qu’y a t’il d’autre à faire ? Avons-nous tout essayé ?

Dans une optique étatique, vraisemblablement… Mais est-ce là toute l’affaire ? Nous allons tenter de répondre à cette question.

Nous avons déjà traité ici-même de sujets importants à maîtriser pour une approche politique radicalement différente tels que l’État et sa contre-partie d’association volontaire fédérale et conféderale. Nous envisageons ici de passer du général au plus particulier, à savoir l’organisation des communautés de terrain en communes libres, émancipées et autogérées. A cet égard, nous étudierons une forme parfaitement adaptable et à géométrie variable qui a été appelée le “municipalisme libertaire” et qui prend sa source dans l’expérience du communalisme libertaire tel qu’il était envisagé, fut et est toujours pratiqué historiquement depuis les sociétés traditionnelles toutes cultures confondues.

De fait, l’histoire ne documente pas de période de véritable démocratie (décisions socio-politiques prises par et pour le peuple librement organisé de manière non-hiérarchique) du moins dans la longue durée, tant les systèmes qui s’en approchaient le plus (la cité athénienne, les cités médiévales, les sections parisiennes et autres…) ont été minés par des structures et concepts antinomiques à la liberté individuelle et collective tels que le patriarcat (fondement de la société de type autoritaire- pyramidale) et les institutions étatiques, qui par essence même sont aristocratiques et anti-démocratiques.

L‘histoire nous donne néanmoins des exemples où les peuples se sont organisés de manière plus démocratique qu’en suivant des institutions rigides organisées par un système bureaucratique de contrôle et de protection des privilèges du petit nombre d’oligarques placés au sommet de la pyramide d’abord politique puis sociale. Quels sont les exemples passés d’une telle expérience:

  • Athènes: Si la cité antique fonctionnait certes par assemblées populaires qui prenaient en charge les décisions politiques, celles-ci n’étaient composées que des quelques 40 000 citoyens mâles de souche qui avaient le droit d’y siéger. Les femmes, les étrangers, les Athéniens d’origine étrangère en étaient exclus. Athènes fonctionnait sur une base esclavagiste. L‘apogée de l’approche démocratique athénienne survint avec l’élection de Solon comme magistrat en chef de la cité en 594 av.J.C.
  • Les cités médiévales du XIème au XVème siècle:
    Sombrées dans l’oubli de manière bien convéniente pour les théoriciens et propagandistes de l’État, leur étude fut remis au goût du jour par Pierre Kropotkine dans son ouvrage: “L’entr’aide, facteur de l’évolution”.
    L’apogée de la commune médiévale peut être située entre le XIème et la fin du XIVème siècles. A cette époque, la monarchie absolue n’existait pas. Les nations européennes étaient morcellées et ni les rois, ni les princes de l’église n’étaient plus capables de contrôler les cités qui s’organisèrent internement pour la politique et le commerce extérieur. Ce fut l’apogée des grandes cités médiévales qui se fédérèrent en ligue gérées par les guildes marchandes. De grands noms émergèrent tels: Laon, Gent, Lièges, Ypres, Fribourg, Novgorod, Florence, Milan, Cremona, Bologne, Nüremberg. A terme, assiégées par les pouvoirs seigneuriaux locaux et royaux et surtout par leur incapacité à défendre et entretenir une relation fertile avec les populations vivant autour des cités, ces grandes communes médiévales laissèrent entrer le loup dans la bergerie et furent assujetties au pouvoir royal et à la hiérarchie ecclésiastique de leurs différents pays. Les plus de 3 siècles de leur existence amenèrent les grandes constructions, les cathédrales, le développement du commerce et l’autogestion des cités par les peuples qui ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour se défendre et prospérer.
  • Les sections parisiennes de 1792-93: Elles furent sans aucun doute le mouvement le plus démocratique que connût la révolution française. Les sections parisiennes fonctionnaient en mode d’action et de démocratie directes. Sur un plan politique, insufflée par le visionnaire Jean Varlet, le mouvement des Sections Parisiennes pensait, à juste titre, que la souveraineté populaire se devait d’être exercée par l’ensemble du peuple et non pas par une portion de celui-ci, fut-elle choisie par le moyen électoral. Paris fut divisée en sections dont chacune envoyait 6 délégués révocables à la Commune de Paris, dont la fonction essentielle était celle de coordinatrice des sections de la ville. Chaque section était divisée en différents comités comme ceux de la distribution alimentaire, de la finance, de la défense/police et de la surveillance du voisinage. Les sections étaient investies de la défense de Paris et chaque section possédait une unité d’artillerie, c’est à dire que la force d’auto-défense était entre les mains des citoyens, qui y participaient activement. En Juin 1793, les sectionnaires faillirent renverser la Convention et on peut toujours spéculer sur le devenir de la révolution si cette insurrection anti-bourgeoisie avait été couronnée de succès. Il est alors fort probable que le pouvoir ait été décentralisé vers une “confédération nationale d’assemblées sectionnaires”.
    Durant la dernière période des sections parisiennes, avant que Jean Varlet, Jacques-René Hébert, leaders des Enragés ne fussent arrêtés, il fut tenté d’organiser les sections parisiennes en contre-pouvoir populaire à la corruption de la révolution bourgeoise et il fut tenté d’instaurer une “Commune des Communes”, une confédération des communes et cités de France, qui aurait supplanté à terme la Convention Nationale corrompue.
    Mal représentée à dessein dans les livres d’histoire comme étant le temps de radicaux sanguinaires mettant en danger les “grandes idées” de la révolution issue des Lumières, il convient de replacer cette parenthèse authentiquement démocratique dans son juste contexte. Le mouvement des Sections Parisiennes fut sans doute la période où le peuple fut le plus en charge de sa destinée durant la révolution française et si les Jacobins, voyant le danger pour les intérêts bourgeois, n’y avaient pas mis violemment fin, la France serait sans doute bien différente aujourd’hui et qui sait, serait peut-être le modèle de la véritable démocratie. Les Sections Parisiennes demeurent à ce jour un remarquable exemple organisationnel de la démocratie directe et de la gestion de la chose publique de, par et pour le peuple.
  • La Commune de Paris de 1871:
    Ou quand le peuple parisien reprend le feuilleton là où l’avaient laissé les sectionnaires de 1792-93… Expérience de démocratie directe non dénuée d’erreurs fatales sur fond de guerre civile et de guerre impérialiste, Paris étant assiégés par les Prussiens qui ont battu la France à la bataille de Sedan. L’empereur Napoléon III est prisonnier, le gouvernement a fuit à Versailles et, comme cela se reproduira en 1936-39 en Espagne, les états se liguent contre le peuple en arme et en rébellion légitime pour l’écraser. Ainsi, fait unique dans l’histoire, les Prussiens vainqueurs rendent leurs armes à l’armée française vaincue pour que celle-ci puisse écraser dans un bain de sang (27000 morts chez les Communards dont au moins 17000 fusillés, 15000 condamnés et 7000 déportés dans les bagnes) le peuple en insurrection qui menace l’existence même de l’État et de l’ordre oligarchique bourgeois. Dans un environnement de guerre et insurrectionnel, la Commune de Paris vécut plusieurs mois en démocratie directe, entâché d’un retour à une forme de gouvernement plus centralisé. Pierre Kropotkine dira en 1882: “C’est de l’état que cherchera la commune d’aujourd’hui à s’affranchir !”
  • Les communes anarchistes de la révolution espagnole de 1936-39:
    L’anarchisme et le communalisme libertaire existait en Espagne depuis 1868 après une grande divulgation des idées de Michel Bakounine et Pierre Kropotkine. L’anarcho-syndicalisme monta en puissance et la CNT-AIT espagnole avait plus d’un million de syndicalistes adhérents en 1936, dans une Espagne où le marxisme et le Parti Communiste Espagnol avait une très faible influence et étaient quasiment inexistants.
    Lors de la guerre civile, un grand nombre de communes des provinces d’Andalousie, de Catalogne, des Asturies et du Levant furent auto-gérées par le peuple. A Barcelone, la ville entière fut auto-gérée par le peuple et malgré les difficultés conjoncturelles, les gens s’y épanouirent avant que les États ne finissent par se liguer pour y mettre fin.
    La révolution sociale libertaire espagnole fut vaincue par la coalition des états fascistes brun (Franco, Mussolini, Hitler), rouge (Staline et l’URSS) et des “démocraties représentatives” modérées telles la France (du Front Populaire, donc soi-disant de “gauche” ne l’oublions pas…) et le Royaume-Uni, qui fermèrent leurs frontières, la France enfermant même les réfugiés espagnols dans des camps frontaliers.

Depuis le XVIème siècle et l’avènement définitif des états-nation, les peuples vivent sous la coupe oligarchique règlementée de gouvernements dont le niveau de totalitarisme n’est finalement qu’une question de degré d’imposition par la même clique de contrôleur que sont les oligarques en chef, aujourd’hui les financiers et gros industriels transnationaux, qui sont parvenus finalement à s’assujettir l’ensemble des systèmes de pouvoir de la planète.

Ce que nous vivons de nos jours n’est que le début de l’étape finale vers une dictature globale que l’oligarchie appelle depuis des lustres son “Nouvel Ordre Mondial”.

Pour empêcher cette dictature eugéniste de prendre corps, il convient pour les peuples de sortir du paradigme politique imposé en réalisant qu’il y a eu une vie avant l’État et qu’il y en a une après. Nous devons cesser de faussement assimiler les termes d’État et de société en une équation État = Société que peu de personnes semblent vouloir ou capables de remettre en cause. C’est bien pourtant par là qu’il faut commencer !

Pour ce faire, nous devons réaliser la synthèse politique et historique de ce que nous avons vécu jusqu’ici et cette synthèse peut-être nommée le “communalisme ou municipalisme libertaire” ou comme les camarades Kurdes l’ont nommé le “Confédéralisme Démocratique”, peu importe de fait la terminologie, ce qui compte est le concept et surtout sa mise en pratique, comme cela est déjà fait depuis 1994 au Chiapas au Mexique avec le mouvement zapatiste de l’EZLN et depuis une dizaine d’année dans les provinces kurdes du nord de la Syrie (Rojava, Kobané) qui défraient de nos jours la chronique par leur héroïque résistance à l’armée mercenaire prétendûment islamiste de l’empire colonial occidental qu’est l’EIIL/EI.

Pour mieux comprendre ce concept, analysons ce qu’est une “municipalité libertaire”…

“Le municipalisme libertaire, par contraste avec l’état-nation et ses institutions, est une philosophie politique révolutionnaire qui vise à évincer à la fois le capitalisme et l’état-nation de la société et de les remplacer par des relations sociales bien plus humaines et coopératrices.” (Janet Biehl, 1998)

Si à la fois Michel Bakounine et Pierre Kropotkine ont posé les jalons du communalisme libertaire, le concept a été développé plus avant par l’ex-militant marxiste américain devenu anarchiste Murray Bookchin, qui a ajouté au municipalisme libertaire une dimension d’écologie sociale. Décédé en 2006 à l’âge de 85 ans, il est succédé par sa disciple Janet Biehl que nous avons citée ci-dessus. Militant, auteur et historien de l’anarchisme prolifique qui écrivit entr’autre une superbe historiographie des anarchistes espagnols: “The Spanish Anarchists, the Heroic years 1868-1936” ainsi que des essais sur l’écologie sociale et le municipalisme libertaire (bibliographie en français plus complète en fin d’article), Bookchin peut-être considéré comme le “père” du municipalisme libertaire et écologique moderne.

Pour mieux cerner le concept et la mise en pratique du municipalisme libertaire, nous nous réfèrerons et citerons le livre résumé de Janet Biehl : “La politique de l’écologie sociale: Le municipalisme libertaire” (édition anglaise, Black Rose Books, 1998).

Le municipalisme est le regroupement politique de communes, de municipalités autogérées. Ces assemblées librement choisies transcendent l’individu d’entité individuelle et groupes citoyens qui se reconnaissent les uns les autres et agissent de concert pour le développement collectif et le bien commun de leur communauté au sens strict et au sens élargi.

Une des caractéristiques fondamentale de ce mode d’organisation sociale est sa décentralisation.

Au lieu d’avoir une entité bureaucratique appelée Mairie, s’occuper de démarches souvent futiles, une grande partie pourrait-être effectuée au niveau local des quartiers, ces mêmes quartiers développeraient par exemple des espaces verts, non pas seulement de parcs de loisir et de détente, mais aussi de jardins potagers à l’échelle d’un ou plusieurs quartiers où les citoyens résidents cultiveraient leurs propres fruits et légumes (ce concept existe depuis longtemps à Cuba par exemple…). Les écoles, universités, cliniques et hôpitaux n’auraient pas a être “décentralisés”, mais des dispensaires de santé et éducatif pourraient voir le jour dans les quartiers de voisinage, où la vie deviendrait autre que l’actuelle vie de voisinage de cités dortoirs. L’ensemble de ces services seraient autogérés par la population elle-même, les décisions à prendre se faisant en réunion d’assemblées de voisinage où tout le monde décide et a son mot à dire. Ceci induira une démocratisation réelle et accrue.

La structure fondamentale de toute démocratie directe est l’assemblée générale citoyenne d’une zone donnée où les citoyens se réunissent, délibèrent et décident des choses à faire collectivement. La méthode de décision se fait par vote. Il y a deux possibilités: le vote majoritaire, qui est toujours possible mais à notre sens anti-démocratique, car ce type de vote conduit à ce que l’on peut qualifier de dictature de la majorité, meilleure moyen pour maintenir une société divisée… Notre vision est celle du consensus à l’unanimité (ce qui sera bien plus facile à achever lorsque les citoyens œuvrent vraiment pour le bien commun…). Ces assemblées doivent se réunir à intervalle régulier dans les lieux communs de voisinage: salle des fêtes, théâtre, gymnase, voire dehors en place publique si la météo le permet. Chaque assemblée suivra une série de règles simples procédurières pour la bonne tenue des débats, tous les citoyens ayant eux-mêmes agréé à cette série de règles. Les sujets à discuter seront décidés en avance au gré des besoins et les citoyens pourront se préparer ainsi à des discussions constructives et informées. Le débat étant essentiel, il sera encouragé. Beaucoup de personnes peuvent se sentir inhibées, concernées, mais timides ou impressionnées par ce type de réunion publique. Comme le vieil adage le dit si bien “c’est en forgeant qu’on devient forgeron”… C’est donc en débattant et en participant qu’on devient un véritable citoyen et non pas comme aujourd’hui, dans nos sociétés aseptisées de la délégation de pouvoir, réduits à des contribuables, votards et consommateurs compulsifs… Ceci ne pourra qu’améliorer la qualité de la prise de décision, car en fin de compte c’est bien sûr de cela qu’il s’agit.

La construction d’un mouvement de municipalisme libertaire passe par la base, l’individu, qui s’étant documenté et éduqué se rassemble dans sa communauté avec des personnes ayant fait de même. Il convient dès lors de procéder à une sorte d’éducation populaire pour favoriser ce qu’on appelle “l’effet boule de neige”. Enseigner aux autres permet également de tester et de rafiner ses propres connaissances ainsi que de peaufiner la communication et l’entente avec les autres citoyens ayant les mêmes désirs de changement politique. Il apparaît que très souvent, bien des gens pensent de la même façon, entrevoient les mêmes solutions mais ont du mal à articuler une méthodologie d’action. Le faire ensemble aide et développe le sentiment de coopération et d’entr’aide qui comme l’a démontré Pierre Kropotkine, sont des éléments évolutifs essentiels de l’espèce humaine.

Dès que la confiance est là, le groupe ainsi constitué doit se promouvoir au sein de la communauté et commencer à expliquer aux autres comment les choses pourraient se passer entre citoyens compétents et éclairés. A cet égard l’éducation du public est très importante pour gagner en audience et en intérêt. Les conclusions de réunions peuvent être écrites, imprimées, postées sur les réseaux sociaux etc… Cela fonctionne un peu comme un parti politique de nos jours à la grande différence que cela est participatif à 100%, complètement décentralisé, sans chef, sans hiérarchie, sans bureau directeur, sans cotisations etc… Le tout étant totalement géré par les citoyens militants.

De là les réunions en assemblée deviennent nécessaires. Les réunions doivent se concentrer sur les problèmes de la communauté et sur les décisions à prendre ou l’influence à exercer en commun. Un coordinateur de séance peut être désigné pour garder les débats dans ce qui a été décidé préalablement et éviter ou limiter les digressions et les hors-sujets.

Plus le groupe de la communauté adresse des sujets pertinents et agit en conséquence, plus il attirera de personnes qui s’associeront volontairement aux efforts de changement politique directs. Il sera parfois nécessaire d’entrer en désobéissance civile avec les instances étatiques et une stratégie appropriée devra être préalablement discutée. L’idée est de construire des groupes autonomes, traitant localement du plus de problèmes quotidiens de la communauté afin de gagner une audience et une participation volontaire du plus grand nombre.

A ce titre, les assemblées et les actions de démocratie directe citoyenne, hors institution, deviennent pas à pas un contre-pouvoir efficace et incontrournable amenant toujours plus de citoyens à le rejoindre volontairement.

Il est important de continuer l’éducation populaire et que les membres originels du groupe s’enrichissent et coopèrent avec le collectif. Ceux-ci doivent être périodiquement rappelés par la base que le mouvement est décentralisé et “sans chef”. Lorsque le mouvement fait “boule de neige” dans d’autres communautés, des délégations pourront y être envoyées. Chaque délégation temporaire étant composée de portes-parole désignés ou mieux tirés au sort sur une base tournante, qui n’ont aucun pouvoir exécutif, se réfèrent à la base, sont révocables à tout moment et dont le mandat ne dure que le temps de la délégation.

C’est sur ce principe que seront ultérieurement fondées tous types de délégations au niveau de la fédération et de la confédération des communes libres.

L’objection classique à ce type organisationnel politique des citoyens est la taille de la communauté. Il est vrai que ceci est un peu plus facile dans des communautés réduites en zones rurales par exemple. Comment procéder dans de plus gros centres urbains ? C’est ce que nous allons voir maintenant en suggérant une méthodologie pratique.

A suivre…

État totalitaire: La mutation des « démocraties » représentatives en états policiers… Le cas du Canada

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Excellente analyse du journaliste et sociologue Nazemroaya sur les faits et conséquences des crimes de St-Jean-sur-Richelieu et Ottawa. Les soi-disantes démocraties représentatives sont en train d’être mutées une à une en état policier plus répressif et totalitaire montrant par là même que dans un système étatique, la seule différence entre une tyrannie et une « république modérée » n’est juste qu’une question de degré de répression. L’oligarchie fait passer les États du mode « feu doux » au mode « bouillir » voilà tout… Ceci n’est en rien inéluctable, il suffit de retirer notre consentement et de construire le contre-pouvoir parallèle entre nous. Le meilleur moyen parfois d’éviter la confrontation physique (parce que c’est là que nous attendent les oligarques: dans la rue avec les moyens répressifs militarisés, qui sont bien sûr à  leur avantage) est de l’ignorer et de continuer sur un chemin parallèle au sens propre, c’est à dire sur un chemin qui ne devrait pas rencontrer l’autre par définition, tout en sachant qu’à un moment donné, ce sera l’autre qui se mettra sur une trajectoire de collision. Cela laisse le temps de s’y préparer efficacement et collectivement.

— Résistance 71 —

 

Le Canada et la guerre au terrorisme, que s’est-il réellement passé à Ottawa

 

Mahdi Darius Nazemroaya

 

5 Novembre 2014

 

url de l’article en français:

http://www.mondialisation.ca/le-canada-et-la-guerre-au-terrorisme-que-sest-il-reellement-passe-a-ottawa/5411718

 

Le premier ministre Stephen Harper et le gouvernement canadien utilisent la fusillade sur la colline du Parlement pour justifier l’imposition de mesures de surveillance et de détention qu’ils étaient déjà en train de mettre en oeuvre.

Le 22 octobre 2014, Michael Zehaf-Bibeau (né Michael Joseph Hall), un homme armé agissant seul et originaire de Laval au Québec, a ouvert le feu dans le centre-ville d’Ottawa, la capitale du Canada.

On a d’abord rapporté qu’il y avait une fusillade au Centre Rideau situé tout juste au nord du quartier général de la Défense nationale, de l’autre côté du pont Mackenzie-King. On a su par la suite que cette information était fausse ou erronée. Le tireur avait tué un réserviste devant le Monument commémoratif de guerre pour ensuite se diriger au nord vers la colline du Parlement.

Puis, on a rapporté qu’il y avait plusieurs tireurs. Tous les employés gouvernementaux se sont donc vu interdits d’entrer ou de sortir des immeubles dans toute la région interprovinciale de la capitale nationale, incluant la ville de Gatineau. Si les autorités policières ont bien fait de prendre des mesures de précaution pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’autres tireurs et ont refusé de donner des explications, le public était porté à croire qu’il y avait plusieurs tireurs. Cela a permis aux autorités policières de justifier le confinement et d’interdire la mobilité des personnes pendant plusieurs heures.

Plusieurs questions demeurent par ailleurs sans réponse. Le réseau NBC News rapportait le 8 octobre 2014 que des porte-paroles des services de renseignement étasuniens leur avaient confié « que les autorités canadiennes avaient entendu dire que des terroristes en herbe discutaient de possibles attentats au ”couteau et à l’arme de poing” » au Canada. Les représentants canadiens n’ont toutefois pas tenu compte du rapport. Le renseignement étasunien savait-il quelque chose que sa contrepartie canadienne ne savait pas? Comment expliquer ces contradictions?

Voici une autre question importante : comment un homme armé qui avait déjà commencé un carnage a-t-il pu se rendre jusqu’à l’intérieur de l’édifice du Centre du Parlement canadien sans entrave? Quiconque est allé sur la colline Parlementaire sait qu’il y a une forte présence armée dans tout le secteur, surtout à l’entrée et aux portes de l’édifice. La sécurité est assurée par la police nationale du Canada (la Gendarmerie royale du Canada), la police municipale (les Services de police de la Ville d’Ottawa) et deux services de sécurité fédéraux (les Services de sécurité de la Chambre des communes et le Service de sécurité du Sénat).

En outre, s’il est vrai qu’il était en contact avec des groupes terroristes, comment communiquait-il avec eux ?

Fabrication d’un portrait : les liens entre le discours médiatique et les politiques gouvernementales

Le cas de Martin Couture-Rouleau vient compliquer l’affaire. Couture-Rouleau est un Québécois devenu musulman en 2013. Il a délibérément happé deux soldats canadiens à Saint-Jean-sur-Richelieu au Québec le 20 octobre 2014. Un des deux soldats est décédé par la suite.

À la suite de son délit de fuite, Couture-Rouleau a été poursuivi par la police puis abattu. Bien que le meurtre et le délit de fuite à Saint-Jean-sur-Richelieu soit un acte criminel, il a été présenté comme un acte terroriste lié à la participation du Canada aux combats au Moyen-Orient.

Même si les attentats de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa n’ont aucun rapport entre eux et ne s’inscrivent pas dans un effort coordonné, on les a quand même reliés. L’attaque suivie du délit de fuite a été ajoutée au récit d’Ottawa le 22 octobre afin de construire l’image d’une bataille en bonne et due forme. Cela relève de ce que les sociologues appellent une panique morale.

Quel était précisément le motif du tireur à Ottawa? Michael Zehaf-Bibeau ne semble pas avoir fait partie d’un complot contre le Canada ourdi par le soi-disant État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Il avait un dossier criminel et semblait son état psychologique semblait se détériorer en raison d’un utilisation accrue de narcotiques. Il souffrait d’hallucinations, consommait des drogues dures et sa conversion à l’Islam était relativement récente. Selon les informations de ses connaissances, il se sentait harcelé par « le gouvernement » qui ne le laissait pas tranquille. Cette colère pouvait être liée à la présence de travailleurs sociaux et d’agents de libération conditionnelle dans sa vie et au sentiment étouffant d’être pris dans une spirale descendante.

Michael Zehaf-Bibeau logeait depuis deux à quatre semaines à la Mission Ottawa, un centre pour sans-abri. Avant les événements du 22 octobre, il a dit à des gens au centre pour sans-abri de prier parce que la fin du monde s’en venait. Dans ce contexte, il est important de se poser la question : comment un homme avec des problèmes de santé mentale logeant à la Mission Ottawa, un centre pour sans-abri, fait-il pour obtenir une arme?

Or, Michael Zehaf-Bibeau a cependant été dépeint à différents degrés comme un membre du groupe armé État Islamique, ce qui a permis à des acteurs sociaux, que les sociologues appellent « entrepreneurs de morale », de soutenir la prétention que les Canadiens sont menacés par le groupe État Islamique. L’objectif des entrepreneurs de morale est de changer les normes sociales, les valeurs, les lois et les règlements. Dans le cas présent les ces entrepreneurs veulent faire passer un programme de sécurité.

Alors que le tireur était un Québécois ayant adopté le nom de famille de son beau-père arabo-canadien et le nom de fille de sa mère et qu’il ait été catholique durant la majeure partie de sa vie, (fervent catholique au départ et puis ayant abandonné la pratique avec le temps), on l’a présenté bien différemment. Dès le début on lui a tacitement attribué une personnalité arabe ou musulmane. Même une fois son identité reconnue, on a insisté pour présenter son beau-père arabo-canadien comme étant son père biologique. L’adoption du nom de famille arabe a été tacitement présentée comme le signe d’une identité musulmane, bien qu’il ait été chrétien au moment du changement de nom, effectué pour des raisons légales.

La façon dont les médias ont d’emblée présenté Zehaf-Bibeau est très révélatrice. Ils ont utilisé l’expression « un homme né au Canada ». C’est un langage trompeur et cette façon de faire doit être examinée de près. Lorsque l’on dit d’une personne qu’elle est « née au Canada », on laisse entendre qu’elle n’est pas vraiment canadienne, elle est juste née au Canada. Quand on parle ainsi d’un citoyen canadien on le dépouille de son identité canadienne et on le définit comme « l’autre », comme un étranger qui n’appartient pas à la collectivité.

La réaction médiatique

Beaucoup de Canadiens sont fiers de la réaction de leurs médias et aiment le contraster avec le sensationnalisme des médias étasuniens. Bien que les médias au Canada soient beaucoup plus calmes que ne l’auraient été les médias étasuniens dans des circonstances semblables aux États-Unis, ils ont quand même créé une charge émotive en décrivant la situation comme si Ottawa était assiégée. On a vu des titres comme « Ottawa attaquée ». Les Ontariens craignaient littéralement que le groupe armé État islamique attaque les frontières canadiennes.

Les médias se sont livrés toute la journée à des conjectures sur des liens possibles avec ce qui se passe au Moyen-Orient. Quand le premier ministre Harper a pris la parole en soirée, il est clair qu’il voulait lier les événements de la journée à ce qui se passe au Moyen-Orient et à une menace terroriste pour justifier les mesures de sécurité qu’il compte imposer.

La couverture médiatique, le confinement massif dans le cœur du centre-ville d’Ottawa et les mesures nationales prises par le gouvernement fédéral ont créé une certaine panique à Ottawa et chez tous les Canadiens. Dans ces conditions, les gens peuvent agir de façon imprévisible ou anormale et ils sont prêts à faire des concessions qu’ils ne feraient pas normalement au gouvernement. Autrement dit, lorsque la société est prise par la peur, de nombreux citoyens sont disposés à renoncer à leurs libertés civiles et à s’en laisser retirer par les autorités.

Les nouvelles normes et l’érosion des libertés civiles

Lorsque le Centre Rideau a été pris d’assaut par des voleurs armés en 2003 et que la moitié des patrouilleurs de la police locale s’était lancée à la poursuite de deux d’entre eux qui s’étaient échappés, on n’a pas constaté ce genre de panique et les médias n’y ont pas porté autant d’attention. On pourrait très bien soutenir que le danger était beaucoup plus grand même si une institution nationale importante n’était pas attaquée.

Légalement, Martin Couture-Rouleau et Michael Zehaf-Bibeau sont des meurtriers. Au lieu de les traiter comme des criminels, on a utilisé le terme « terroriste », contenant une charge politique et psychologique évidente. Toutes les lois nécessaires pour juger ces criminels existent déjà au Canada, mais on instaure de nouvelles lois pouvant potentiellement être utilisées contre des dissidents légitimes s’opposant aux politiques gouvernementales.

De plus, la police se militarise dans le nouveau contexte de la lutte au terrorisme. Le lendemain de l’attentat sur la colline du Parlement, le 23 octobre, la forte réaction de la police – lorsqu’un itinérant a traversé un cordon de sécurité – témoigne d’un changement dans les habitudes et des tensions chez les policiers d’Ottawa. Les mesures que le gouvernement Harper désire normaliser comprennent également le contrôle et la censure d’Internet, le retrait inconstitutionnel et illégal de la citoyenneté et le retrait des droits de mobilité accordés par la Charte canadienne des droits et libertés. Cette mesure est déjà en vigueur avec la confiscation de passeports.

Tous les Canadiens ont le droit de quitter le Canada et d’y revenir librement, à moins d’avoir commis une offense de nature criminelle. Le gouvernement veut s’arroger le pouvoir de retirer les passeports au moindre doute de méfait, sans preuve. Dans le cas de Martin Couture-Rouleau, son passeport a été confisqué lorsqu’il a voulu se rendre en Turquie en juin ou juillet 2014. La police ne pouvait pas le mettre en état d’arrestation à cause de ses idées. « Nous ne pouvons pas arrêter quelqu’un parce qu’il a des idées radicales. Ce n’est pas un crime au Canada », a dit la cheffe de la GRC Martine Fontaine en conférence de presse le 21 octobre 2014.

La position de la GRC en dit long sur le but du nouveau programme sécuritaire gouvernement Harper : il veut pouvoir arrêter des gens pour leurs idées.

Révocation de la citoyenneté?

Flirter avec l’idée de révoquer la citoyenneté est encore plus dangereux. On établit déjà des précédents inconstitutionnels à cet effet dans les pays de la soi-disant coalition occidentale, lesquels parlent constamment au nom de la démocratie, mais se tiennent aux côtés de dictatures comme l’Arabie saoudite, le Bahreïn, la Jordanie et le Qatar. Par exemple, en 2012 le Parlement britannique a révoqué la citoyenneté d’Asma el-Assad, pourtant née en Grande-Bretagne, seulement parce qu’elle est l’épouse du président syrien Bachar Al-Assad.

Le système judiciaire canadien ne traite pas tout le monde de façon égale et tous ne sont pas égaux devant les tribunaux. Les non-citoyens sont désavantagés par rapport aux citoyens canadiens. Dans ce contexte, la menace de révocation de la citoyenneté est vue comme un moyen de contourner les lois et les droits servant à protéger les citoyens canadiens. Sans ces droits, le gouvernement peut détenir une personne pour une période indéterminée et sans accusation, lui intenter un procès devant un tribunal spécial où l’accusé ne connaît pas la preuve contre lui et n’a pas accès à un avocat. C’est ce qui est arrivé à des non-citoyens qui ont été détenus pendant plusieurs années en vertu de certificats de sécurité.

L’idée de retirer la citoyenneté est également une question politique dans la mesure où elle sert à alimenter les préjugés dans certaines sphères de la société dans différents pays xénophobes et qui n’aiment pas certaines couches de la société pour différentes raisons.

Ignorer la source du problème

Selon un vieil adage, la société a tous les criminels qu’elle mérite, c’est-à-dire que dans bien des cas les criminels sont le produit d’un problème structurel de la société.

Ça n’est pas par hasard que Michael Zehaf-Bibeau avait déjà demandé d’être interné pour pouvoir combattre sa dépendance à la cocaïne et au crack. Les deux assaillants consommaient de la drogue et souffraient de problèmes psychologiques qui nécessitaient des soins. Le tireur d’Ottawa avait cherché de l’aide et étouffait de désespoir et de non-appartenance.

Au lieu de regarder à l’étranger et de blâmer des forces extérieures, le Canada doit faire son propre examen de conscience. La source du problème comprend le déclin des services sociaux au Canada qui ont subi les coupures et les mesures d’austérité du gouvernement. En blâmant le groupe armé État islamique et Internet. le gouvernement refuse en même temps de reconnaître son propre échec et la marginalisation d’un grand nombre de citoyens canadiens qui ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin.

La pente glissante et le sale rôle du gouvernement Harper

On appelle les Canadiens à être vigilants contre la menace terroriste exagérée du groupe armé État islamique. C’est dans ce but que le premier ministre Stephen Harper et son gouvernement font tout pour dépeindre les événements au Canada comme une extension de ce qui se passe au Moyen-Orient. Redéfinir des criminels comme étant des terroristes alimente cette perception. Cependant, les Canadiens et les citoyens des autres pays doivent être vigilants sur la question de leurs droits et libertés obtenus après des siècles de lutte.

Le changement de critère pour l’octroi de la citoyenneté est un sujet différent mais la révocation de la citoyenneté est une pente glissante et dangereuse. Même si l’on affirme que ce genre de mesures sert un intérêt supérieur et la sécurité publique, l’histoire a montré que ce sont souvent d’autres motifs qui président à la suspension des libertés civiles.

En terminant, ceux-là mêmes qui exagèrent aujourd’hui la menace terroriste au Canada sont ceux qui l’ont appuyée à l’étranger. On ne doit jamais oublier que le premier ministre Harper et son cabinet ont appuyé les « terroristes » qu’ils prétendent maintenant combattre. Le gouvernement Harper a tacitement encouragé les Canadiens à aller combattre dans des pays comme la Libye et la Syrie pour appuyer la politique étrangère de changement de régime de Washington. Le Canada a même armé des militants liés à Al-Qaïda en Libye avec des drones et des armes en 2011 et il a également permis à des firmes de sécurité privées (des mercenaires) de les aider. Les gens ne doivent pas négliger ces faits lorsqu’ils se demandent comment aujourd’hui nous en sommes arrivés à cette situation.